Agenda prévisionnel 2017
Avec plus de 12 laboratoires impliqués dans des thématiques scientifiques liées à la santé, associés à des plateformes expérimentales de pointe, l’IN2P3 contribue à l’avancée des technologies et connaissances dans le domaine du nucléaire lié à la santé. Les défis actuels auxquels les équipes de l’institut participent ont pour objectifs principaux de diagnostiquer précocement les maladies et de proposer des thérapies de plus en plus personnalisées.
Afin de garder une cohérence nationale et une ambition commune, le GdR « Outils et méthodes nucléaires pour la lutte contre le cancer » (MI2B) accompagne l’IN2P3 en animant la communauté et en proposant des réflexions afin de promouvoir de nouvelles approches méthodologiques et instrumentales dans le domaine du nucléaire-santé pour le diagnostic et la thérapie. Par son rôle fédérateur, le GdR doit susciter l’émergence de nouveaux projets collaboratifs dépassant les frontières de l’IN2P3.
Le GdR est organisé en quatre pôles thématiques animés par un comité de pilotage. Les paragraphes suivants présentent le résultat des discussions du comité où pour chaque pôle sont présentés les enjeux scientifiques ainsi que les actions à mener pour l’année 2017.
Pôle imagerie
Les enjeux actuels de l’imagerie clinique s’inscrivent dans le cadre de l’accès à un diagnostic précoce et un traitement de plus en plus personnalisé des patients. En imagerie préclinique, les enjeux sont principalement focalisés sur l’accélération du rythme de développement de nouveaux agents théranostiques. Le développement et l’utilisation généralisée des techniques d’imagerie moléculaires quantitatives multi-paramétriques sont l’une des solutions pour répondre à ces objectifs. D’un point de vue technologique, ceci impose notamment d’améliorer de manière significative la sensibilité des techniques d’imagerie moléculaires, de réduire les doses associées à leur utilisation, de développer des systèmes intégrés multimodaux, ainsi que des dispositifs d’imagerie dédiés permettant de répondre plus efficacement aux spécificités d’un organe (cœur, sein, prostate, ..) ou d’une application (assistance des traitements en chirurgie et radiothérapie, imagerie sur modèles petits animaux…) et d’augmenter l'accessibilité aux patients.
D’une manière générale, les thèmes abordés au sein du pôle imagerie du GDR MI2B relèvent de ces grands défis : imagerie diagnostique multimodale haute-sensibilité (TEP temps-de-vol, imagerie hybride simultanée TEP/CT et TEP/IRM, imagerie 3-gammas, CT à comptage de photons et CT spectral), planification de traitement (tomographie protons), thérapie guidée par l’image (imagerie des gammas prompts pour le suivi de la délivrance de dose en hadronthérapie, imagerie peropératoire en chirurgie, …) et imagerie préclinique (démonstrateurs, plates-formes multimodales, imagerie hybride simultanée, sondes intracrâniennes pour l’imagerie sur l’animal vigile). Ces développements, qu’ils soient menés dans la perspective d’applications finalisées, de démonstrations liées à l’émergence de ruptures technologiques ou plus simplement d’une veille technologique assurant la disponibilité de savoir-faire au sein des unités de recherche de l’IN2P3, sont fertilisés par les grands défis techniques de la physique nucléaire et des particules que sont la trajectographie, la calorimétrie, l’acquisition, le traitement de données et la simulation Monte Carlo. Ils peuvent donc dégager des synergies fortes avec les activités fondamentales de l’institut. Parallèlement, ces projets dépassent souvent les capacités et l’expertise d’une seule équipe de recherche et nécessitent d’être menés au sein de collaborations, le plus souvent interdisciplinaires.
En 2017, le pôle imagerie propose d’animer un atelier sur le défi représenté par la TEP sans reconstruction, qui nécessite le développement de chaînes de détection avec des temps de résolution en coïncidence (CRT) inférieurs à 10 ps. Ce thème constitue une des activités de recherche proposées dans le cadre du projet d’infrastructure ERAMMIT (Enabling Research Access for Multiparametric Molecular Imaging Technologies) soumis en réponse à l’AAP INFRAIA-2 du programme cadre H2020 et sélectionné en première instance pour une soumission complète fin mars 2017. Franchir la barre des 10 ps constitue un défi technique et sociétal doté d’un grand potentiel d’image pour le CNRS et l’IN2P3. L’atelier proposé pourrait œuvrer à structurer la présentation d’un tel défi, de son impact sur la société (diminution de la dose, diagnostic précoce, réduction du coût par patient) et à imaginer des stratégies (organisationnelles, financières, de communication, techniques) pour y parvenir (e.g. création d’un défi international doté d’un prix et définition des règles).
Pôle thérapie
L'enjeu des activités du pôle thérapie est l'amélioration de l'indice thérapeutique des traitements par rayonnement. C’est-à-dire augmenter la probabilité de contrôle tumoral sans augmenter les complications aux tissus sains. Aujourd’hui, la tolérance des tissus sains continue à être la principale limitation pour délivrer des doses curatives dans la tumeur.
D’une manière générale, les thèmes abordés par ce pôle sont le contrôle qualité de la délivrance du traitement, les modes innovants de délivrance de dose (énergie, position, temps) et l’optimisation de la planification de traitement.
Le contrôle qualité vise à optimiser le différentiel dose aux tissus sains sur dose à la tumeur. A cette fin des moniteurs faisceaux sont développés pour la thérapie et la radiobiologie ainsi que des méthodes de contrôle du dépôt de dose en ligne pour l'hadronthérapie. Ces méthodes cherchent à utiliser les particules secondaires (beta+, gamma, protons…) émises lors des interactions du faisceau avec les tissus traversés.
Les modes innovants de délivrance de dose visent à optimiser le rapport des effets de la dose sur le tissu sain versus tissu tumoral par des modalités innovantes de délivrance de dose. Les paramètres physiques de l'irradiation, comme par exemple le débit de dose et les distributions spatiales et temporelles de dose ont un impact direct sur l'effet biologique du rayonnement. Or, la radiothérapie standard a été limitée aux quelques mêmes schémas temporels et spatiaux de débits de dose. Dans ce contexte, deux stratégies sont possibles :
- radiothérapie/hadronthérapie avec du fractionnement spatial de la dose ;
- radiothérapie/hadronthérapie avec des très forts débits de dose.
Dans les deux cas, des études sur la production du faisceau (petite taille de champs avec un maximum d’intensité dans des centres cliniques) ainsi que le développement d’outils et de protocoles adéquats pour la dosimétrie sont nécessaires.
L’optimisation de la planification de traitement vise à optimiser le différentiel dose aux tissus sains sur dose à la tumeur en améliorant les données d'entrée physiques et anatomiques des TPS afin de limiter les marges prises lors des irradiations. A cette fin une imagerie en amont du traitement est étudiée et des mesures de données de base (sections efficaces, dosimétrie…) sont réalisées. Ces données permettent de contraindre les modèles existants et peuvent servir à en développer de nouveaux.
En 2017, le pôle thérapie propose d’animer un workshop sur le monitoring faisceau pour définir l’état des lieux et les besoins des différentes infrastructures ainsi qu’un workshop sur les nouvelles modalités de délivrance de dose (mini faisceaux, dose flash, électrons de haute énergie…).
Pôle radionucléide
L’utilisation des radionucléides présente un réel intérêt en médecine pour le diagnostic par imagerie moléculaire (TEP ou TEMP) notamment en neurologie et en oncologie, et pour la thérapie dans le cadre du traitement du cancer. A cette fin, il est nécessaire de développer des radiopharmaceutiques innovants et de les transférer en clinique. Ces radiopharmaceutiques participeront au développement de la médecine de précision, encore appelée médecine personnalisée, en permettant d’orienter les patients vers les thérapies adaptées en fonction de leur réponse ou du stade d’avancement de la maladie et d’offrir des méthodes alternatives et/ou complémentaires pour le traitement des cancers notamment au travers des thérapies ciblées.
L’enjeu de ce pôle est de stimuler la recherche associée aux radionucléides innovants dans une démarche théranostique (associant imagerie et thérapie), d’offrir une plus grande disponibilité des radionucléides d’intérêts et des produits radiopharmaceutiques associés afin de stimuler la recherche et les essais cliniques de phase précoce.
Les principales questions étudiées dans ce contexte sont :
- Quels radionucléides innovants faut-il promouvoir ? comment peut-on les produire et en assurer la distribution aux centres hospitaliers ?
- Quels agents biologiques pour une vectorisation sélective ?
- Comment attacher le radionucléide au vecteur biologique de manière stable ?
La disponibilité de ces radionucléides dépend fortement de la capacité des partenaires à les produire en quantités et qualités suffisantes.
Le pôle « production de radionucléides pour l’imagerie et la thérapie » a émergé récemment sous l’impulsion de trois laboratoires : GIP ARRONAX (Nantes), IPHC (Strasbourg) et Subatech (Nantes). Le pôle aujourd’hui a agrandi son périmètre et associe à ses réflexions plusieurs laboratoires comme le GANIL avec l’accélérateur SPIRAL2 et d’autres hors IN2P3 comme le CEMHTI, l’ILL et le CERN avec l’installation MEDICIS. Cette thématique regroupe à la fois des compétences en physique (nucléaire, détecteur pour le diagnostic faisceau, matériaux pour les cibles) et en radiochimie (séparation chimique pour obtenir une bonne pureté radionucléidique et études des propriétés des radio-isotopes pour une optimisation des conditions de radiomarquage). Des collaborations fortes ont été mises en place au niveau de chaque laboratoire avec les équipes de biologistes et le monde médical (pharmaciens et médecins). Les objectifs sont :
- promouvoir/sécuriser les radionucléides innovants pour l’imagerie et la thérapie ;
- montrer, en collaboration avec le monde médical, l’intérêt/faisabilité de l’approche théranostique pour la médecine ;
- être en support dans le développement de nouvelles approches d‘imagerie phénotypique afin d’améliorer le diagnostic et le suivi thérapeutique des cancers.
En 2017, le pôle radionucléide projette de réaliser un protocole de collaboration scientifique (Memorandum of Understanding - MoU) entre les différents acteurs français pour le projet européen ERAMMIT (Enabling Research Access for Multi-parametric Molecular Imaging Technologies). Le projet a passé la phase 1 et le dossier pour la phase 2 est en préparation.
Le pôle souhaite également finaliser le livre blanc sur le cuivre-64 et les émetteurs alpha. Ce livre blanc sera ensuite transmis aux tutelles et sociétés savantes (Société Française de Médecine Nucléaire - SFMN, Club des radiopharmaceutiques, Société Française des Physiciens Médicaux - SFPM). Le pôle sera également partie prenante dans la promotion d’un premier essai clinique avec le cuivre-64 via le Labex IRON (Innovative Radiopharmaceuticals in Oncology and Neurology).
Le pôle radionucléide propose d’animer un workshop sur la réflexion de l’intérêt de l'approche théranostique.
Pôle radiobiologie
Depuis une dizaine d’années, les équipes de l’IN2P3 ont travaillé de concert afin de se structurer et de mettre en place des plateaux techniques et des collaborations multidisciplinaires en relation avec la radiobiologie (activités GDR Mi2B).
Aujourd’hui, les enjeux de la radiobiologie en recherche fondamentale peuvent se résumer en 3 axes :
- L’optimisation des protocoles de radiothérapie (proton/hadronthérapie) et le développement de thérapies innovantes (radiothérapie et nanomédecine). Cet axe concerne également les études des mécanismes fondamentaux impliqués dans les phénomènes de la radiosensibilité individuelle et de la radiorésistance tumorale. Il s’agit d’identifier des indicateurs biologiques (biomarqueurs) qui permettront d’estimer pour un individu/une population/un sous-type tumoral les risques que représente une exposition aux RI. Ces études nécessitent l’intégration de concepts/méthodes de modélisation/simulation, de dosimétrie, d’irradiation, d’analyses biologiques (cohorte de patients, lignées cellulaires, analyses génomiques, ...).
- La compréhension des mécanismes (physiques, chimiques, biologiques, épigénétiques,...) mis en jeu lors d’exposition à de faibles doses à l’échelle de l’individu, des populations et des générations (effets transgénérationnels, épigénétique). Il s’agit d’étudier la réponse de populations d’organismes vivants (bactéries, nématodes, cellules humaines, ...) à différents niveaux d’expositions contrôlées (faible débit de dose, micro-irradiation ciblée, environnement radiation protégé). Ces études offrent l’opportunité d’étudier des effets déterministes et stochastiques à grande échelle, sur plusieurs générations (évolution, ...).
- La contribution aux enjeux de la modélisation du vivant et des modèles de prédiction associés («Big Data»). Les informations apportées par l’imagerie de diagnostic et de planification des traitements, ainsi que, les données fournies par les biomarqueurs doivent être exploitées pour prédire des signes cliniques et pour orienter le patient vers une stratégie thérapeutique (vers une thérapie personnalisée). Ceci nécessite le développement d’outils d’analyse statistiques et de modèles biophysiques prédictifs des signes cliniques qui intègrent les paramètres d’irradiation (type, énergie, distribution spatio-temporelle de la dose), les effets des agents chimiques injectés chez le patient (nanoparticules, vecteurs de radionucléides, traitements hormonaux, agents pro-apoptotiques…) et des données sur le microenvironnement tumoral, la modélisation des processus biologiques (croissance tumorale, prolifération cellulaire, ...)
Ces axes de recherche nécessitent l’intégration obligatoire dans des programmes de recherche multidisciplinaires des activités de l’IN2P3 (théorie, simulation/modélisation, dosimétrie, imageries multimodales, détection, irradiation, caractérisation physico-chimiques,...) et donc d’établir des liens entre les différentes institutions comme CNRS/INSB, CNRS/INC, INSERM, IRSN, INRIA, AVIESAN, sociétés savantes...
En 2017, le pôle radiobiologie propose d’animer un atelier sur deux jours pour faire l’état des lieux de la modélisation cellulaire et subcellulaire sous rayonnement (rattachée à la question 3). En lien avec le master projet unification des plateformes, le GdR se propose d’organiser une journée pour discuter de l’état des lieux sur les compétences et potentialités des plateformes d’irradiation.